Avant d’être un usage récréatif, de nombreuses plantes que nous qualifions de drogues aujourd’hui, à l’image du cannabis, étaient ou sont encore consommées à des fins rituelles.
Leur utilisation était faite principalement par les guérisseurs, chamans, prêtres et autres personnes liées au divin dans une société. Ces personnes avaient le pouvoir de communiquer avec les esprits et les dieux afin de transmettre des messages ou de répondre à des questions comme la Pythie de l’oracle de Delphes en Grèce par exemple.
Les plantes psychotropes
«â€¯Psycho » signifie l’esprit et «â€¯trope » l’orientation, un psychotrope est une molécule qui va modifier la direction et la perception de l’esprit. Depuis la nuit des temps, de plantes sont utilisées pour entrer en état de conscience modifiée. On peut facilement imaginer que les premiers humains qui ont goûté ces plantes ont dû être surpris de l’effet ! Que ce soit en Chine , au Pérou ou en Egypte , ces psychotropes étaient associés à la spiritualité et à la religion et permettaient d’entrer dans une transe plus ou moins profonde pour une durée pouvant aller d’une dizaine de minutes à plusieurs heures.
La belladone : «â€¯bella dona » en italien signifie la belle dame. La belladone a des effets impressionnants. Ses petites boules noires provoquent hallucinations et transe voire la mort à trop forte dose. Au XIIIème siècle, Sainte Hildegarde met en garde contre son utilisation «â€¯«â€¯Il est dangereux pour l'homme de manger ou de boire de «â€¯la belle dame », car elle frappe son esprit et en quelque sorte le tue. » Cependant elle la recommande en onguent pour soigner les rages de dents. Les femmes italiennes de la Renaissance en consommaient occasionnellement par gouttes oculaires car les baies ont pour effet de rendre les yeux brillants et de dilater la pupille, les rendant alors plus attirantes. Les ophtalmologues en utilisent pour les mêmes raisons lorsqu’ils réalisent un fond d’œil.
Le datura : Cette jolie plante en forme de trompette est pourtant mortelle si le dosage est mal effectué ! Déjà mentionnée dans le Kamasutra au VIème siècle, elle est ensuite utilisée par les sorciers en Europe. Aujourd’hui encore, le datura est source d’inquiétude en Guinée et au Libéria : les adolescents en consomment en guise de rite initiatique mais ne sont pas conscients des doses, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont en pleine hallucination et les expériences se terminent souvent mal.
La mandragore : bien connue des fans d’Harry Potter, la mandragore existe bel et bien, à la différence des hippogriffes (quoi que …) On la rencontre souvent dans les écrits magiques ou les herbiers du Moyen-Âge et même chez Hippocrate au Vème siècle av-JC ! Il la conseillait en remède contre la mélancolie ou la dépression mais mettait en garde contre le surdosage qui pourrait causer le délire. Les grecs l’appelaient «â€¯kirkaia », en référence à la magicienne Circé. Ses effets hallucinogènes sont remarquables notamment grâce à la capacité des principes actifs de traverser facilement la peau et d’atteindre la circulation sanguine. La légende raconte que les sorcières s’enduisaient les muqueuses et les aisselles avec un onguent à base de mandragore et entraient en transe ! Pour aller plus loin on raconte qu’elles enduisaient le manche de leur balai qu’elles chevauchaient sans sous-vêtement et qui leur permettait de «â€¯voler » … Par sa composition chimique, ses propriétés sont nombreuses : hallucinogène, hypnotique, sédative, anti-inflammatoire, narcotique, aphrodisiaque …
Les cactus à mescaline : la mescaline est une substance qui a des effets semblables au LSD ou aux champignons (hallucinations, visions psychédéliques, risque de paranoïa, terreur). Elle serait l’une des plus anciennes et puissantes substances psychoactives utilisée par l’Homme. Ces cactus se trouvent un peu partout dans le monde mais surtout au Mexique , au Pérou ou dans les Andes où les chamanes s’en servaient et s’en servent encore aujourd’hui, plusieurs variétés existent : le plus connu étant le peyotl, puis le San Pedro, la torche bolivienne, la torche péruvienne.
L’ayahuasca : l’Ayahuasca est sujet à controverse depuis quelques années. Utilisé depuis des 4000 à 5000 ans par de nombreuses communautés indigènes d’Amazonie, ce mélange d’écorce et de tige de liane a un but de transcendance divinatoire, sacrée ou thérapeutique. De nombreux peuples utilisent l’ayahuasca sous différentes formes, chacun y ajoutant des plantes différentes lui conférant diverses couleurs et effets. Le tourisme de l’ayahuasca s’intensifie depuis le début des années 2000, des occidentaux cherchent à planer, à faire une introspection et à exorciser quelques mauvaises expériences de façon «â€¯traditionnelle ». Des agences proposent des initiations à l’ayahuasca, des locaux peu scrupuleux se font passer pour des chamanes et de nombreux accidents surviennent : mauvais dosage ou méconnaissance de la plante, réaction violente, interaction médicamenteuse … Les effets sont violents et durent plusieurs heures : vomissements, hallucinations, suées, … la cérémonie a un but purgatif qui doit nettoyer le corps, le cœur et l’esprit. Les initiations à l’ayahuasca demandent une longue préparation mentale, physique, une diète sévère et surtout un accompagnement par un vrai chamane qui vous guidera en toute sécurité avant, pendant et après la cérémonie.
Les plantes onirogènes
Les plantes onirogènes servent à provoquer les rêves ou plutôt à aider à s’en souvenir ainsi qu’à pratiquer les rêves lucides : vous êtes conscient que vous rêvez et vous prenez le contrôle de la situation, vous pouvez même décider de voler ou créer un univers complètement dingue ! Ces plantes sont également utilisées depuis des millénaires pour accéder à des rêves prémonitoires communiqués par les dieux ou provenant de notre inconscient qui se déverrouille ou dans un but curatif par exemple. Nombreuses sont les plantes qui sont des «â€¯pharmakon »â€¯: remède et poison à la fois, tout est une question de dosage ! Certaines sont communes et leur répartition est assez vaste, d’autres sont plus rares et difficiles à se procurer.
La sauge divinatoire : originaire du Mexique, la «â€¯sauge des devins » est originellement cultivée dans les régions montagneuses de la Sierra Mazateca d’Oaxaca et utilisée par les chamanes et indiens Mazatèques. La préparation traditionnelle consiste à en retirer la pulpe et à la faire infuser à une certaine température avant de la boire ou de la manger. Les molécules psychoactives sont plus facilement absorbées par la muqueuse buccale que par l’estomac ou bien lorsqu’elles sont fumées. Cette plante est un puissant onirogène et permet aux chamanes de prédire l’avenir ou bien de trouver la cause d’une maladie.
La calea zacatechichi : également utilisée par les chamanes chontals de la région d’Oaxaca, sont utilisation est ancestrale mais peu de recherches et d’écrits ont été faits, les études sont récentes et ne donnent que peu d’information. Son nom indigène «â€¯Thle-Pelakano » signifie plante amère, traduisant bien son goût peu délicat et même plutôt écoeurant en infusion. Son ingestion se fait plutôt sur le long terme qu’en une seule prise puissante comme le serait un psychotrope, la calea permet d’améliorer la mémoire des rêves et d’induire les rêves lucides !
La guayusa : appelée également «â€¯night watchman’s plant », cette plante améliorerait la vision des chasseurs de nuit et leur permettrait de «â€¯voir de nuit comme le jour ». Cette plante traditionnelle possède d’autres vertus notamment grâce à sa haute teneur en caféine et en antioxydants, elle est énergisante, dynamise la digestion, aphrodisiaque et permet une clarté psychique et physique. Son effet stimulant permet de rêver plus nettement et de prendre le contrôle de votre rêve, d’où le nom de watchman’s plant, vous donnant la possibilité d’agir la nuit, pendant votre rêve, comme si vous étiez en plein jour.
Le yauhtli : «â€¯l’herbe des nuages »â€¯ou encore estragon mexicain, le Yauhtli est une plante du Mexique et d’Amérique Centrale dont les feuilles et les fleurs sont utilisées traditionnellement pour parfumer le chocolatl (boisson à base d’eau, de cacao, de vanille et de piment) consommé par les Aztèques et les Mayas. Cette plante avait un usage médicinal destiné à calmer les crises de panique et de folie mais était également utilisé en tant qu’encens destiné au dieu de la pluie Tlaloc, et en fumigation pour les hommes destinés à être sacrifiés à Xiutecuhtli, le dieu du feu. Brûlé au moment d’aller se coucher, le yauhtli favorise les rêves lucides, agissant comme extension de la conscience.
L’armoise : il existe 365 espèces d’artemisia dans le monde, certaines possédant des propriétés intéressantes. L’utilisation de l’armoise n’est pas récente, en effet, elle remonte à l’antiquité et était associée aux femmes, c’est la raison pour laquelle elle porte le nom d’Artémis, déesse de la lune (élément féminin par excellence, par opposition au soleil, symbole masculin), des accouchements, de la nature et de la chasse. Les gaulois eux la nommaient «â€¯ponema ». Cette plante est un antispasmodique, stimulant digestif, anti-inflammatoire, antibactérien, remède à un empoisonnement à la cigüe et permet de réguler les cycles féminins. Les initiés du culte d’Isis portaient un petit bouquet et on peut facilement imaginer qu’elle était utilisée en fumigation, offrande ou toute autre usage religieux et spirituel. L’efficacité de l’artemisia vulgaris n’est plus à démonter, des infusions d’armoise permettent d’obtenir des rêves plus stables dont vous vous souviendrez plus facilement et dans lesquels vous pourrez prendre les manettes de vos rêves lucides.
Cet article a uniquement pour but de vous apporter des connaissances historiques et culturelles sur ces plantes. Leur utilisation est dangereuse car le dosage doit être précis et ne peut se substituer à des traitements médicaux !
Article rédigé par Ysabelle
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